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Myrtes et Cyprès.


Mais, hélas ! je ne puis jamais en retracer
Toute la pétulance et la gaîté folâtre ;
Et, lorsque je reviens m’asseoir au coin de l’âtre,
Dès que je prends la plume afin de commencer
Ce poëme, une larme est prête à l’effacer.

Mais pourquoi la tristesse implacable et secrète
Voile-t-elle toujours la strophe du poëte ?
À ses transports pourquoi succèdent d’âpres maux ?
Pourquoi ce cœur souffrant du doute et de la lutte ?
Pourquoi dans son essor craindre déjà la chute ?
Pourquoi toujours des pleurs dans les vers les plus beaux ?

C’est le destin, enfant… Il faut que le génie
Inspire ses accents dans la mélancolie.
Le rire sur sa lèvre a rarement trôné ;
Son âme diaphane au moindre vent frissonne ;
À tout attouchement elle vibre et résonne,
Et pour être immortel on est infortuné !