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Myrtes et Cyprès.

Car je suis mûr déjà pour l’oubli dans la tombe ;
Rien ne rattache plus mon esprit, qui succombe,
À ce qui fait le but des autres ici-bas ;
Je me sens isolé dans la foule bruyante,
Lampe qu’aucun rayon n’échauffe et n’alimente.
Il vaudrait mieux pour toi consommer ton trépas.

Peut-être est-il encore une âme qui comprenne
Ce qui fait le supplice inouï de la mienne,
Et qui pourrait m’aimer et saigner avec moi ;
Mais je la cherche en vain, rien ne me la révèle.
Cet être désiré, cet ami que j’appelle,
Devant ma soif d’amour recule avec effroi.

Si je partais pourtant, cette petite place
Que j’occupe au soleil, ce sentier où je passe,
Ces hommes que j’effleure au courant de mes jours.
Se ressentiraient-ils longtemps de mon absence ?
Me regretterait-on ? aurais-je quelque chance
De n’être pas de suite oublié pour toujours ?