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Myrtes et Cyprès.

Qu’elle disait : « Je veux n’être jamais qu’à toi ! »
Pouvais-je en ces moments la pousser loin de moi,
Deviner le mensonge, écarter l’imposture,
Prendre chaque serment pour un nouveau parjure ?
Non ; j’étais fasciné, certain même qu’aux cieux
Les anges n’ont point tant de candeur dans les yeux.
À tel point, chers amis, — car je veux tout vous dire,
Dût cet aveu naïf provoquer votre rire, —
Que je n’osai pas même implorer la faveur
Dont une femme aimante assouvit notre ardeur,
Que je me contenais et respectais encore
Sa fraîcheur, sa beauté, sa fleur à son aurore.
Je me croyais trop vil pour qu’un désir brutal
Me fît ternir déjà ce beau lis virginal.
Et quand je me sentais éperdu, dans la crainte
De céder au transport, je fuyais, l’âme étreinte
Par mille sentiments opposés, loin des lieux
Où je devais la voir, ayant devant les yeux
Comme des feux follets, sentant dans mes oreilles
Frémir les chauds baisers de ses lèvres vermeilles.