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LES FUSILLÉS DE MALINES

per de la longueur des étapes, guidées seulement par les appels des cloches, accourcissant à travers les labours et les pâturages, dérobant leur pérégrination suspecte aux traqueurs français. Ils s’agenouillaient pieusement au pied des colonnes crucifères et devant les madones de plâtre appendues, dans une caisse vitrée, aux plus beaux arbres. Agréés sans formalités par Chiel, après un sincère vivat de bienvenue, ces nouveaux alliés prenaient la file. Beaucoup avaient longé des chemins fâcheux, traversé les prairies inondées de la Senne et du Démer ; la boue les éclaboussait jusqu’à la croupe, leurs sabots étaient restés dans la vase. Habitués, comme l’Oiseleur, à courir pieds nus, dès leur enfance, il y en avait qui, s’étant chaussés pour faire honneur à la bonne cause, finissaient par attacher leurs souliers au bout de leur bâton de pèlerin.

Au seuil des chaumes isolés, femmes, infirmes, vieillards, empêchés de se joindre à la caravane, acclamaient ces soldats en sarrau et leur souhaitaient bonne chance : « Ons jongens zullen wel winnen ! Nos gar-