Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
LES FUSILLÉS DE MALINES

— En route, garçon ! commanda l’officier, sautant en selle.

La vieille femme toute fière du début de son enfant, de cette confiance placée en lui, l’embrassa tendrement et, comme il se penchait un peu, lui traça de ses doigts séreux une petite croix sur le front. Lui, pâle, voyant trouble, presque suffocant, brusqua la séparation par un rauque : « Adieu, mère ! », allongea délibérément le pas et sans se retourner — le fanfaron de crânerie ! — rejoignit la carriole qui s’engageait en cahotant dans la traverse sablonneuse.

— Une ferme recrue, petite mère ! disait Rik Schalenberg à la vieille lieuse de balais fascinée par ce long chemin où Tony devenait invisible.

— Le meilleur des enfants ! murmura l’aïeule.

— Toi, dit Guillot en prenant l’Oiseleur à part, tu courras d’une traite à la ville. On est habitué de t’y voir le dimanche avec tes volières. Épie les soldats, ouvre les yeux, renseigne-toi. S’il se passe quelque chose, reviens nous le dire…

— Compris !