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LES FUSILLÉS DE MALINES

sur les pieds, pour arriver jusqu’à la table, à l’appel de sa paroisse et de son nom. L’inscription a commencé par les gars de Bonheyden même. Et tous, au grand complet, se sont présentés, en se rengorgeant, déjà raides comme au port d’armes, une bouffée de noble orgueil leur rougissant le front et avivant leur hâle. Ô ! les braves !

Les pères qui auraient donné jusqu’à leur dernier liard, qui ont risqué leur vie, qui se sont exposés aux avanies des sans-culottes plutôt que de conscrire leurs héritiers, brûlent à présent d’enrôler le meilleur de leur chair et de leur sang dans cette armée de guérilleros, et les mères, les pauvresses, n’ont pas trop geint ou bien elles se sont cachées pour ne point troubler la force d’âme de leurs hommes.

— Faites donc place à la petite mère Vaneylen !

C’est une pauvresse chenue, toute courbée, clopinant au bras d’un grand gars, son seul soutien, son unique bâton de vieillesse. Tony Vaneylen a l’air moins résolu que cette stoïque aïeule. C’est elle qui semble l’entraîner. Il a hésité longtemps, en son-