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LES FUSILLÉS DE MALINES

à servir la clientèle. À la Feuille de Trèfle s’écrasent, se foulent une cuvée de buveurs. La grande salle regorge de monde comme un jour de vente publique par ministère du tabellion. Pour n’être pas débordés dans l’arrière-pièce, Willem et ses amis posent une table en travers de la porte ouverte, et derrière cette barricade recouverte d’un méchant lambeau de serge, ils siègent, constitués en bureau de recrutement.

Les conscrits ne se font pas tirer l’oreille, comme lorsqu’il s’agit de la « réquisition » française ! Ceux qui se cachaient dans les bois sont accourus, haletants, empressés de se faire inscrire. Ah ! ce n’est point par couardise qu’ils se dérobaient, non ça ! leurs insulteurs l’éprouveront bientôt ! Quel tapage, quels éclats de voix ! Quel train ils mènent ces réfractaires, ces jeunes patriotes ! Tout ce que le pays compte d’hommes valides à trois lieues à la ronde, se comprime, se bouscule, s’échauffe à boire, à rire, à clamer dans la salle de la Feuille de Trèfle. C’est le pendant de la communion du matin, mais on a moins peur à présent de s’allonger des bourrades et de se marcher