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LES FUSILLÉS DE MALINES

tenant son ami, le vigoureux et déterminé Chiel le Torse, qui signe après lui.

La proclamation, copiée et recopiée quatre fois, en caractères énormes, le Schalk court la coller sur les murs de l’église et dans les principaux estaminets. Aux illettrés, comme lui, le poète qui la sait par cœur à présent, la récite. Ils l’écoutent religieusement, bouche bée, se poussant du coude, faisant courir des murmures approbateurs, tirant, aux bons endroits, des bouffées plus opaques de leurs pipettes. Les autres, massés devant les placards, les épèlent, ânonnant, leurs gros doigts promenés de syllabe en syllabe, de peur de perdre le mot commencé, et se récrient ébahis, le cœur chaud, chaque rime les secouant ainsi qu’un ressort.

Dans tous les groupes, le choix du brave Guillot comme chef rencontre une sanction non moins spontanée. Devant les comptoirs, autour des tables, brocs et pintes s’entrechoquent à la santé du commandant. Depuis longtemps la bière n’a plus paru aussi délectable et les bras potelés des servantes n’ont eu tant de peine