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LES FUSILLÉS DE MALINES

lieues de marche après la tiédeur de la couchée, puis malaxés, pétris, bouleversés jusqu’aux moelles par le contrecoup physique de toutes ces commotions morales. Et, fouettées de péripétie en péripétie, de stade en stade, les humeurs n’étaient pas moins troublées et moins virulentes que les esprits.

Le prêtre semblait abecquer une couvée de poussins truculents et voraces. Manquant d’hosties, il lui fallut consacrer le pain bis que ses acolytes quérirent dans les fermes voisines.

Cependant le crépuscule ambigu faisait place au jour. Le soleil automnal montait lentement et coulait sur ces éperdus une lumière humide et tremblée, apaisante et balsamique, projetait sur ce grouillement de fiévreux un ruissellement d’or pâle en gouttelettes, une rosée de lumière, humectant la masse violâtre et renflée des sarraux, oignant les visages exaltés, amortissant le feu des pommettes, lubrifiant les yeux visionnaires, soulageant de son humide baiser les lèvres brûlantes des communiants.