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LES FUSILLÉS DE MALINES

Une commune aspiration dilatait les poumons, des milliers de cœurs campinois pantelaient à la fois, palpitaient du même espoir, battaient à l’unisson ; et ces pulsations véhémentes et généreuses se précipitaient, sans cesse stimulées, au rythme saccadé et frénétique des cloches ; et les cœurs de ces rudes hommes se sentaient aussi fermes, aussi solides, coulés d’un métal aussi éprouvé que les cœurs de leurs beffrois…

Cependant la nuit s’écoulait. L’orient se zébrait d’ocre et de cinabre poudrés d’or. On commençait à distinguer les sombres orées des sapinières ; des chaumes, des arbres surgissaient çà et là ; les feux couleur sang rosissaient dans le crépuscule, et peu à peu les cloches échevelées ralentirent leurs oscillations, les voix furibondes s’apaisèrent, les tocsins s’exhortèrent mutuellement à moins de frénésie et se résolvèrent en un frémissement.

Une seule élevait encore la voix. C’était celle de Bonheyden. Mais elle chantait doucement, elle cessait de mugir pour se mettre en prière. Que sonnait-elle ainsi ?