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LES FUSILLÉS DE MALINES

commençaient par s’approprier quelques pauvres bijoux, et, de prise en prise, en arrivaient à les dépouiller de leurs nippes, à les mettre complètement à nu.

Suivant un usage répandu parmi nos gens de mer, l’aide-batelier De Golder portait de petits anneaux d’argent aux oreilles. Pour aller plus vite en besogne, les profanateurs tiraient si brutalement sur ce précaire objet de leurs convoitises, que le lobe se fendit et qu’ils ramenèrent un bout d’oreille accroché à la bélière.

En procédant à ces rapines sacrilèges, les soudrilles, mises en verve par quelques rasades et leur entrevue avec l’impayable fossoyeur, plaisantaient les infortunés possesseurs de cette quincaillerie, et ne trouvant plus rien à leur arracher, se livraient même à d’infâmes mutilations sur ces cadavres.

Enfin, ils prirent les fusillés par les pieds, les traînèrent jusqu’à la tranchée, les y précipitèrent, pêle-mêle, et sautèrent à talons joints dans la fosse pour mieux les tasser ; puis, ayant recouvert le tout de quelques pelletées de terre, ils finirent par