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LES FUSILLÉS DE MALINES

qui se sont souhaité le bonsoir. Ils tentèrent de ramener leur blouse sur leur visage, puis, n’y parvenant pas, se cachèrent la tête sous leur bras replié. On les avait souvent vus ainsi, allongés côte à côte, le brun Oiseleur et le blond Joufflu, dans les guérets dorés, à midi, l’heure de la sieste des moissonneurs, et comme ils se garantissaient alors contre les rayons trop brûlants du jour, maintenant ils cherchaient à se défendre du froid de l’ombre éternelle.

Plus heureux que les trente autres, pour ces onze braves le premier coup avait été le coup de grâce.

Quelques secondes au plus, les fonds et les horizons de leurs paysages familiers s’éloignèrent, se fondirent, décrurent jusqu’à disparaître dans le vide. Emportés dans une course rapide, il nous semble que ce soit la campagne traversée qui nous fuit et se dérobe, alors que nous-mêmes dévorons l’espace… Eux, avaient dévoré la vie ! C’était eux qui passaient.

Les ailes du moulin de Chiel tournèrent de plus en plus lentement, le tic-tac du