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LES FUSILLÉS DE MALINES

À ce reproche, le Torse cessa de regimber. Il se détendit. La crise se résolut en d abondantes larmes. Derrière le voile de ses yeux, le rude garçon meunier vit se dresser le moulin, chantier de son énergique et manuel travail, le cher moulin entre Rymenam et Bonheyden. Isolé comme une vedette, de la chaussée les passants apercevaient ses ailes aussi noires que celles des chauves-souris, au-dessus d un rideau de sapins, devant lesquels régnait, au milieu d’une étendue de bruyères et de genêts, une mare glauque toujours coassante de grenouilles pâmées à fleur d’eau ou à cropetons sur les larges feuilles des nénufars. C’était un moulin très vieux et très noir. Il parut à Chiel plus vieux et plus noir que d’habitude et ses ailes tournaient par saccades comme au rythme des sanglots du meunier…

Les soldats prenaient leurs distances et s’alignaient pour la dernière fusillade. Rik Schalenberg, facétieux jusqu’à la fin, — n’avait-il pas promis à ses camarades, là-bas, de les distraire aux heures critiques ? — Rik le Schalk, cria aux soldats :