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LES FUSILLÉS DE MALINES

vres ennemis, ne pouvait se résigner à se laisser saigner comme une ouaille, sans se défendre, en tendant même la gorge aux bouchers. Soudain il écarta les toucheurs qui l’acheminaient vers la fatale muraille et fonça en avant, tête baissée, taureau qui se retourne contre les abatteurs. Il troua un premier rang de soldats, mais la haie était double et les hommes du second rang lui barrèrent le passage et se jetèrent sur lui. Continuellement il échappait à leurs étreintes. Tenu par les mains, il ruait ; saisi par les pieds, il mordait, et telle était sa vigueur herculéenne, que désespérant s’en rendre maîtres, les soldats se virent dans l’alternative de devoir le sacrifier sur place. Enfin on l’assomma d’un coup de crosse sur la tête et on profita de son court étourdissement pour le ligoter et le ra mener auprès des autres patients. Mais il ne cessait d’invectiver ses bourreaux et, dans sa rage, s’oubliait jusqu’à blasphémer et à désespérer de Dieu.

— Chiel ! Chiel ! Ne fais pas comme le mauvais larron ! l’adjurait Guillot. Songe à ce que souffrit le divin crucifié !