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LES FUSILLÉS DE MALINES

torches allèrent chercher les quinze victimes suivantes.

Celles-ci avaient continué de dormir, lourdement, du bon sommeil qui suit les journées de semailles ou de fenaison. Le bruit des fusils et les lamentations des suppliciés n’étaient pas arrivés jusqu’à la prison. Les gars se levèrent, emportèrent leur pauvre bagage, sans entretenir plus d’appréhension que les premiers. Mais au terme du trajet leur détresse fut autrement terrible. Les corps des pauvres diables étendus par terre apprirent à leurs compagnons le sort qui les attendait. On ne les réveillait que pour les endormir d’un sommeil bien autrement profond ! On n’entendait pas la respiration des dormeurs, et jamais chambrée de valets et de journaliers, lourde de sueurs et d’haleines, n’effluait cette écœurante odeur d’abattoir et de boucherie ! On aurait même dit que le halo entourant la flamme des torches et avivant leur rougeur, provenait de sang évaporé.

Quoique, pour éviter les horreurs précédentes, l’officier eût rapproché les soldats de leurs cibles, ils se montrèrent plus