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LES FUSILLÉS DE MALINES

chambres de rhétorique, ni fous, ni « institutions d’un autre âge » :

— Heu ! heu ! dit le Schalk. Vous avez beau déraciner et ravager les pivoines, on en a gardé la semence. Et quant aux fous, il en court plus que jamais ; les plus grands, les fous enragés étant ceux qui se flattent de supprimer les autres !

Quant Tistiet et Tony parurent devant la barre, ils excitèrent, chez les plus renfrognés et les plus rébarbatifs de leurs juges, un visible mouvement d’intérêt et d’admiration. Leur adolescence, leur heureuse physionomie plaidaient en leur faveur. Sans doute, on ne rencontrait pas beaucoup de conscrits d’aussi avenante et loyale mine dans les armées de la République. Mazingant se consulta un moment avec ses collègues, puis, abrégeant l’interrogatoire des deux jeunes gens, il leur tint un long discours, emphatique comme toute l’éloquence de cette époque, mais empreint d’une modération inaccoutumée. L’orateur mettait leur participation à la révolte sur le compte de leur extrême jeunesse et réduisait la gravité de la faute aux propor-