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LES FUSILLÉS DE MALINES

escrime en tâcherons consciencieux qui n’entendent pas voler leur salaire. Leurs forces s’épuisaient. Tant pis. Jamais ils n’avaient plaint leur peine. D’ailleurs, ce surmenage serait le dernier. Ils se sentaient mourir, sans douleur, dans le coup de feu d’un travail agréable au Ciel. Ils ne laisse raient tomber les bras que pour ouvrir des ailes, et leurs ennemis ne désarmeraient que des cadavres.

À la fois féroces et fervents, un sourire séraphique illuminant leurs visages lubrifiés, leurs bras nus contractés par les spasmes de la tuerie, les mains pleines cl homicides et des prières aux lèvres, ils recommandaient leur âme à Dieu en même temps qu’ils rendaient aux démons celles des sacrilèges.

Et le vol oblique des faulx et le jeu vertical des maillets traçaient de fulgurants signes de croix au milieu de la nuée sanglante !

Cette poignée de pacants avait beau mettre hors de combat des pelotons entiers de réguliers, il s’en présentait toujours de nouveaux. Chiel trébucha sur un cadavre,