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LES FUSILLÉS DE MALINES

voisins déversaient dans Malines l’arrière-ban des patriotes, mais y lâchaient aussi des tapées de trôleurs et de baguenaudiers. Vieillards, infirmes, estropiés, ayant appris la conquête, se béquillaient, clopinaient jusqu’à la ville. Des femmes, leur marmaille accrochée à leurs cottes ou le poupon sur les bras, plantaient là leur ménage. Quelques promises s’aventuraient à relancer les héros de leur cœur. Et, commensales des champs de kermesse, des colporteuses aux paniers nappés de linge à carreaux, circulaient de groupe en groupe, criant les petits pains, les œufs durs, saucisses de cheval, crabes, salicoques, harengs fumés, noix et noisettes, que leur achetaient les innocents tenaillés depuis l’aube par les fringales mais trop honnêtes pour percevoir la moindre contribution en nature chez les marchands de comestibles ou inquiets aussi du prix fort que leur demanderaient boulangers et traiteurs. Ils pochetaient les fruits secs, en distribuaient des jointées à leurs belles, non sans leur jeter les écailles au visage et s’interrompaient de croquer une noisette pour goûter aux cerises de