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LES FUSILLÉS DE MALINES

se trouva personne pour disputer le passage aux visiteurs matineux.

À mesure qu’ils défilaient sur le pont de bois, la trépidation que causaient leurs pieds, leur paraissait presque une irrévérence. Il y en eut qui marchèrent sur la pointe des orteils comme dans un dortoir d’hôpital. De l’autre côté de la poterne les premières files s’arrêtèrent, hésitantes, déconcertées par cette paresse. Un doigt sur la bouche, ceux de la tête s’interrogèrent du regard pour savoir s’ils avanceraient, tant cette extrême sécurité leur paraissait suspecte et mensongère.

Sur le point de franchir le seuil de la cité, l’Oiseleur lui-même demeurait sur place, regardant devant lui, se prolonger la grand’rue léthargique, presque reptilienne. Ainsi, d’un regard déjà troublé par le vertige, le désespéré embrasse l’étendue et sonde la profondeur d’un abîme. Il lui semblait que derrière lui quelqu’un le retenait par un pan de la blouse.

Le Torse cria : « En avant ! » et cette voix loyale rompit le charme. Poussés et talonnés par la masse, les chefs de files dépassé-