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La Guigne


Malgré leurs petits pas et leur marche plus lente.
Et des arrêts fréquents, et de nombreux détours
Auxquels en tout pays les amants ont recours
Pour oublier du temps la marche pétulante,
Ils revirent trop tôt les murailles des cours
Que des bouges rayaient d’une lueur sanglante.

Et le bruit de la danse, et les archets grinçants,
Et les cuivres discords, ce bal doublé d’orgie,
Ces portes de l’enfer ouvertes par instants
Pour rafraîchir un air vicié de tabagie,
Et jeter, délirants ou pris de léthargie,
Des grappes de soulards sur les pavés glissants, —

Les surprit dans le songe où, sans oser le dire,
Ils s’étaient rencontrés en marchant tout le soir ;
Cet idéal de paix auquel le cœur aspire,
Le mirage qu’hélas ! on ne fait qu’entrevoir,
Et qui nous laisse après, tristes, sous le ciel noir,
Nous qui rêvions le mieux en présence du pire !

« À revoir ! lui dit-elle, à revoir, et merci !
— Mais nous ne pouvons pas nous séparer ainsi !
Murmura le jeune homme en doublant son étreinte.