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La Guigne

Qu’ils avaient la couleur, le piment, c’est certain :
Car l’auteur de ces chants s’inspirait le matin
Dans l’alcool… Les dieux ont gardé l’ambroisie.

Ensuite elle n’avait, pour se vêtir l’hiver,
Qu’un méchant mantelet criant à la détresse.
Ses épaules jamais de pelisses de vair
Ne sentaient comme vous la féline caresse,
Ô mondaine ! ou le poil d’une peau de tigresse
Tapissant le traîneau qui vous porte dans l’air.

Son jupon court était presque aussi lamentable,
Taillé dans un rideau de calicot troué ;
Pour châle elle reçut un vieux tapis de table
Sous lequel un matou se serait enroué.
Rouge, taché de vin et d’ongles tatoué,
Il fallait n’avoir rien pour le trouver mettable.

Elle avait un museau mutin et chiffonné,
Le front bas, les sourcils épais, les lèvres fraîches,
Dans les yeux, je l’ai dit, un regard de Phryné,
Le nez mignon ; et noirs, sous le peigne revêches,
Ses cheveux retombaient, l’aveuglaient de leurs mèches,
Lui donnaient d’un gamin l’air émerillonné.