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LA NOUVELLE CARTHAGE

décorés et meublés par les fournisseurs des gens de la haute volée. Le cousin Guillaume semblait présider à ces embellissements, mais il s’en rapportait toujours au choix et au goût de la fillette. Il avait déjà ménagé à l’enfant gâtée un délicieux appartement de jeune fille : deux pièces, argent et bleu, qui eussent fait les délices d’une petite maîtresse.

L’appartement du jeune Paridael changeait de physionomie comme le reste. Sa mansarde sous les toits revêtait un aspect de plus en plus provisoire. Il semblait qu’on l’eût affectée de mauvaise grâce au logement du collégien. Félicité ne l’avait déblayée que juste assez pour y placer un lit de sangle.

À présent, le grenier ne suffisant plus à remiser les vieilleries provenant de l’ancien ameublement de la maison, plutôt que d’encombrer de ce bric-à-brac les mansardes des domestiques, la maîtresse-servante le transportait dans le réduit de Laurent. Elle y mettait tant de zèle que l’enfant voyait le moment où il lui faudrait émigrer sur le palier. Au fond il n’était pas fâché de cet investissement. Converti en capharnaüm, son gîte lui ménageait des imprévus charmants. Il s’établissait entre l’orphelin délaissé et les objets ayant cessé de plaire une certaine sympathie provenant de la similitude de leurs conditions. Mais il suffit que Laurent s’amusât avec ces vieilleries pour que l’aimable factotum les tînt autant que possible hors de sa portée. Pour dénicher ses trésors et dissimuler ses trouvailles le galopin déployait de vraies ruses de contrebandier.

Dans cette mansarde s’entassaient pour la plus grande joie du jeune réfractaire, les livres jugés trop frivoles par M. Dobouziez. Fruit défendu comme les framboises et les brugnons du jardin ! Les souris en avaient déjà grignoté les tranches poudreuses et Laurent se délectait de ce que les voraces bestioles voulaient bien lui laisser de cette littérature. Souvent, il s’absorbait tellement dans sa lecture qu’il en oubliait toute précaution. Marchant sur la pointe des pieds pour ne pas lui donner l’éveil, Félicité venait le relancer dans son asile. Si elle ne le prenait pas en flagrant délit de lecture prohibée, la diablesse s’apercevait qu’il avait bouleversé les rayons et provoqué des éboulements. C’était alors des piailleries de pie grièche, des giries de suppliciée qui finissaient par ameuter Mme Lydie.

Une fois on le pinça en train de lire Paul et Virginie.

— Un mauvais livre !… Vous feriez mieux d’étudier vos arithmétiques ! promulgua sa tutrice. Et M. Dobouziez ratifia l’appréciation de sa moitié en ajoutant que ce garnement précoce, trop grand liseur et bayeur aux chimères, ne ferait jamais rien de bon, resterait toute sa vie un pauvre diable comme