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des roussins, ses protégés ; Emblehem, sur la route de Lierre, avec la chapelle votive et le puits miraculeux de Saint-Gommaire et surtout Montaigu dédié à Notre Gentille Dame, Montaigu, la colline isolée vers laquelle convergent les longues processions psalmodiantes et marmottantes de l’immense et basse contrée d’alentour.

Leurs migrations s’effectuaient aux mêmes époques :

— Voilà Jak Corepain, Kromme-Jak, voilà la petite Belette ! disaient les bonnes gens et l’arrivée de cette gueusaille coïncidait toujours avec la fête patronale de la bourgade.

Remarquent-ils, les rustres, que chaque année les yeux de la Belette se cavent davantage en même temps qu’ils brillent d’un éclat de plus en plus intense ? Les gemmes constellant le diadème de la petite madone de Montaigu ne jettent pas un feu plus immatériel.

Depuis quand les innombrables paroisses de la contrée flamande se renvoient-elles continuellement ces deux épaves ? Depuis quand le sort fait-il de la souffreteuse fillette la chose corvéable de ce bourru ?

Jamais il ne s’était occupé d’elle que pour la molester.

Durant leurs pérégrinations à travers la campagne ils ne soufflaient mot. Il la laissait à ses divagations d’enfant abalourdi et poussait devant lui la petite charrette chargée des tréteaux et de l’attirail du marchand de complaintes. De temps en temps il débouchait une gourde de genièvre dont il renouvelait le contenu d’étape en étape et, après y avoir copieusement puisé, il forçait, en sacrant, la Belette de l’imiter.

En juin ils se trouvaient dans le canton anversois