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Les Domus revinrent à la charge, mais essayèrent inutilement de reconquérir la transfuge. Lusse refusa d’entendre leurs propositions, et poussa sa pointe : Jamais elle ne remettrait les talons au Bœuf bigarré. L’obstination de cette pécore alarmait le cupide trio. Ils n’avaient cru qu’à une fugue passagère de sa part et voilà que cette créature, pétrie à leur convenance depuis la mort des parents Domus, se regimbait carrément contre leur tutelle. Sommée une dernière fois de retourner au Bœuf bigarré, elle répondit en convoquant les sommateurs chez le notaire. Les rapaces faillirent en gagner une attaque. Il s’agissait bien d’une capitulation maintenant. La mâtine émancipée réclamait intégralement son bien et menaçait les détenteurs d’un procès.

Tous les événements contrariaient les spéculations des Domus : l’enfant du petit « piote », un garçon, était venu à terme, viable, constitué, au dire de l’accoucheuse, pour vivre jusqu’à cent ans. La maternité achevait de rendre cette poule mouillée de Lusse aussi intraitable qu’une lice.

À chaque séance chez le notaire, les parties menaçaient de s’empoigner. Cependant le tabellion fit comprendre finalement aux trois Domus que leur sœur était dans son droit et que seul un arrangement à l’amiable leur permettrait de conserver la maison paternelle. On désigna des experts pour estimer l’immeuble ; puis les hommes de loi inventorièrent le mobilier.

Les quatre murs du Bœuf bigarré, badigeonnés au lait de chaux, assistèrent à des scènes de désespoir