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çaient sous les yeux de Jô, notre « marqueur », de longs tournois de carambolage où les mêmes maladresses provoquaient les mêmes lazzis et où la mâtine, juge en cas de différends, prenait outrageusement parti pour les siens et riait de mon air dépité.

Le baes, l’un ou l’autre de ses aînés, souvent les trois, faisaient ma partie. Marcus, le cadet, assistait moins régulièrement à ces séances ; cela à mon regret, car il représentait de loin le plus intéressant des mâles de la maisonnée, gens flegmatiques et cagnards. Baes Nikkel, le métier toujours battant, mettait chaque année un joli denier à rémotis. Il fatiguait encore, malgré ses soixante ans, et tenait la bride haute à ses fils.

Marcus venait de servir trois ans dans un régiment de lanciers, et tout ce que l’habitude d’un coquet uniforme, le port du sabre, le frottement de la garnison, le contact des citadins, la fréquentation des tavernes et des musicos et surtout les faveurs du sexe peuvent donner de désinvolture et de loquèle à un maraud intelligent, pas mal fait de sa personne, il le rapportait dans son terroir. La casquette, posée sur l’oreille, rappelait le bonnet de police à floche blanche ; son dos se redressait, son torse se cambrait aussi fièrement dans sa veste de travail que dans le dolman à brandebourgs, la main à la ceinture il jouait avec les cordons de son tablier ou sa poche d’outils comme avec la dragonne de son sabre et dans sa marche, les cuisses un peu arquées, les talons au dehors, un certain dandinement des hanches, on reconnaissait l’homme habitué à chausser les éperons et à presser un cheval entre ses genoux. Il était blond avec