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XXIII

Cette bataille navale de Navarin fut un événement funeste, en ce sens que ses résultats affaiblissaient encore plus l'empire de Constantinople, et y préparaient d'autant plus sûrement la domination moscovite. Ce n'est pas l'indépendance de la Grèce qui a, comme on l'a dit, porté un coup terrible à la Porte Ottomane, c'est la perte de la marine turque foudroyée à Navarin. La mer Noire allait devenir un lac russe. Les Anglais ne s'y trompèrent pas. Tandis qu'en France et en Russie on comblait d'honneur les chefs des escadres qui avaient si facilement saisi l'occasion d'en venir aux mains avec les Turcs, l'amiral Codrington était blâmé, son commandement lui était retiré, et l'opinion publique en Angleterre lui tenait moins compte de la bravoure qu'il avait déployée que de la faute qu'il avait commise.

En France, où le premier moment est toujours consacré à l'enthousiasme, la nouvelle du combat de Navarin fut saluée avec d'unanimes acclamations. Au sentiment d'amour-propre national que devait inspirer ce fait d'armes, se joignait l'espoir à peu près assuré qu'une intervention prochaine viendrait mettre un terme aux souffrances de la Grèce, et arrêter la guerre d'extermination qui l'avait si longtemps désolée.

Le combat de Navarin donnait à la situation un aspect nouveau, il imprimait à la politique européenne une marche plus décidée. Le temps de la neutralité était passé.