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main sur ses pistolets, et. comme on lui dit de se soulmettre au destin, de faire ses ablutions, d'adresser ses prières à Dieu et au prophète : « Ma tête, s'écria-t-il en fureur, ne se livre pas si facilement! » Alors ce vieillard de quatre-vingt-deux ans tue un des chefs, en blesse un autre; mais on tirait de tous côtés sur le kiosque. Ali tombe frappé en pleine poitrine. Quatre de ses palicares meurent à ses côtés. Alors les assaillants pénètrent dans le kiosque, et, le bourreau saisissant le cadavre d'Ali par la barbe, le traîne sous le péristyle, où il lui coupe la tête. Cette tête avait conservé quelque chose de si imposant et de si terrible, que les vainqueurs ne purent se défendre d'une sorte de stupeur en la voyant. Kurchid, auquel on la présenta sur un plateau de vermeil, se leva pour la recevoir et baisa respectueusement sa barbe. Telle était l'admiration qu'avait excitée la belle défense d'Ali, que tous, surtout ses anciens sujets, oubliaient ses crimes pour chanter ses hauts faits. On parfuma la tête des essences les plus précieuses, elle fut enfermée dans une boîte d'argent et envoyée à Constantinople, où elle fut clouée à la porte du sérail. Kurchid s'empara des richesses du pacha de Janina; mais, malgré les tortures auxquelles on soumit les officiers d'Ali, on ne put découvrir que soixante mille bourses, c'est-à-dire vingt-cinq millions de franes.

XI

Les enfants d'Ali, qui avaient été envoyés en Asie Mineure, furent mis à mort, sa femme fut cousue dans un sac de cuir et jetée dans une rivière; ses filles furent exposées au bazar et vendues à des pâtres turcomans. Ainsi