Page:Edmond Régnier - Histoire de l'abbaye des Écharlis.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
269
histoire de l'abbaye des écharlis

D’après la constitution de l’Ordre de Cîteaux, la nomination de l’abbé se fait par l’élection. Jusqu’à présent, les abbés des Écharlis ont été élus, selon cette règle, par les moines eux-mêmes ; mais, à partir de 1530, ils sont nommés par le roi. Le pape Léon X et François Ier font un concordat en 1516 pour régler les affaires ecclésiastiques de la France : le roi obtient le droit de présenter des candidats aux archevêchés, évêchés, abbayes et prieurés, et le pape celui de percevoir les Annates, c’est-à-dire de recueillir la première année des revenus des bénéfices d’un nouveau titulaire. Ce droit de présentation ou de nomination est pour les abbayes une ingérence regrettable, en même temps qu’une injustice et une source de discorde. Les abus auxquels ils donnent lieu le prouvent surabondamment. Les rois, en effet, ne prennent pas les abbés parmi les religieux et, trop souvent, ils choisissent des prélats dont le seul mérite est leur assiduité à la Cour ou la noblesse de leur origine[1]. Ces nouveaux abbés, qui négligent leurs diocèses, ne connaissent souvent leurs abbayes que par les ressources qu’ils en retirent. Résidant la plupart du temps à la Cour, ils font percevoir leurs revenus par un chargé d’affaire, laissent au prieur la direction de la communauté et profitent ainsi, sans supporter aucune charge, des dons qui avaient été faits aux religieux pour en obtenir des prieras. Enfin, le partage des ressources de l’abbaye entre l’abbé commendataire et les moines, les réparations des maisons, etc., occasionnent parfois de très sérieux différends. Si les abbés laissent en général une assez large subsistance aux religieux, ceux-ci n’ont cependant plus assez de revenus pour faire prospérer l’agriculture, soulager les pauvres et restaurer leur demeure.

Désormais, l’abbé ne sera plus, pour les religieux, le primus inter pares, vivant au milieu d’eux, partageant leur sort. D’ailleurs, eux-mêmes ne sont plus ce qu’ils étaient jadis. La discipline monastique s’est considérablement affaiblie, la vie est beaucoup plus douce, la règle moins sévère. En 1481, cette dernière a été adoucie, en vertu d’une bulle du pape Sixte IV, par le Chapitre général. Malgré cet adoucissement, les abus restent nombreux. En vain Innocent VIII écrit au Chapitre général, en 1487, une lettre où il le presse de réformer les abus. Un grand nombre d’abbés se réunissent, en 1493, au

  1. Salomon, Histoire de l’abbaye des Écharlis.