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d’une femme détachée des choses de l’amour et qui veut éconduire un prétendant importun.

Elle prit soin au contraire de faire ressortir tous ses avantages physiques et d’appeler à son secours — quoi qu’elle n’en eût nul besoin — tous les artifices de la coquetterie féminine pour mettre en valeur sa merveilleuse beauté.

On eût dit qu’elle voulait apparaître aux yeux de celui qui allait venir comme la plus désirable des femmes, on eût dit qu’elle voulait mettre à l’épreuve cet amoureux qu’on lui montrait désespéré de ses dédains précédents.

Tante Adèle la vit reparaître dans la plus élégante et aussi la plus suggestive des toilettes d’intérieur. Elle ne reconnaissait plus sa Laure intraitable. Mais, en bonne diplomate, elle se garda bien d’en faire la remarque. Elle pensa seulement que tout allait très bien, et que Gérard n’essuierait certainement pas le refus formel et définitif que se disait prête à lui opposer la belle héritière.

Aussi était-elle persuadée qu’elle avait enfin réussi à « caser » sa nièce, ce qui était le plus cher de ses désirs.

En prenant congé de Laure, elle lui dit :

— Surtout ne sois pas trop brutale dans ton refus ! Habitue-le seulement à l’idée de t’oublier.

— Pourquoi ? Je trouve inutile de lui laisser le moindre espoir.

— Enfin. Pense seulement qu’il ne faut jamais briser complètement un cœur, mets-toi à sa place…

— Oh ! fit la jeune fille en riant, à sa place… Comment veux-tu que je fasse, je ne suis pas un homme, moi !…

Complètement maîtresse d’elle-même, Laure ne décelait plus aucun émoi. Tante Adèle recommençait à ne plus comprendre. Et en s’en allant, elle se disait : « Pourtant, il ne lui est pas indifférent, sans cela elle n’aurait pas eu cette attitude. Et elle ne se serait pas mis en si grands frais de coquetterie pour le recevoir. »

Mais qui pénétrerait jamais le mystère de l’âme d’une jeune fille aussi énigmatique ?…

Gérard vint à l’heure dite.

Le cœur du jeune homme battait très fort. Sa mère l’avait bien mis en garde contre tout emballement, l’avertissant que cette démarche qu’il faisait avait seulement été organisée par la tante de la jeune fille, que rien ne faisait préjuger des sentiments réels de celle-ci. Mais allez donc mettre un frein aux rêves d’un homme épris d’une jolie fille !… Il avait