Page:Edmond Mandey La Vierge sensuelle, 1926.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 6 —

prix que la jeune fille se butât et refusât le candidat à sa main.

— Ma chérie, lui dit sa tante, j’ai reçu pour toi une nouvelle demande en mariage.

— On ne les compte plus. Et naturellement, tu as éconduit, comme les autres, ce prétendant.

— Ma foi non. Je n’en ai pas eu le courage. Il était tellement désespéré et il a tellement insisté pour venir te voir lui-même que je n’ai pu lui refuser cette faveur.

— Mais je ne veux pas qu’il vienne !

— Tu ignores qui il est.

— Peu m’importe ! Je refuse absolument de l’écouter.

— Pourquoi être aussi cruelle, lorsqu’au fond de toi-même, tu sais bien qu’un jour ou l’autre…

— Raison de plus…

— Tu vas causer le désespoir d’un brave garçon qui ne vit plus qu’en pensant à toi. Je t’assure qu’il est sincèrement épris ; d’ailleurs tu le connais, je t’en parlais hier encore, c’est Gérard d’Herblay…

Laure se leva à ce nom.

— Non, dit-elle, non… Lui moins qu’aucun autre.

— Que t’a-t-il fait ?

— Rien… mais…

— Écoute… ne sois pas intransigeante à ce point… Le recevoir ne t’engage à rien… Je serai là…

— Je n’ai pas besoin de toi.

— Alors, je n’y serai pas, répondit tante Adèle en souriant, je vais sortir avant qu’il vienne.

— Si tu veux.

— Mais tu me promets de le recevoir… et de l’écouter…

— Il le faudra bien, puisque tu le lui as promis en mon nom. Je me chargerai moi-même de le décourager.

Laure cependant était nerveuse, et sa parente remarqua qu’elle se contraignait pour paraître froide et détachée. Il était certain que l’annonce de la visite de Gérard avait produit une grande impression sur la jeune fille.

Tante Adèle qu’il était difficile de tromper, pensa tout de suite : « Tiens ! Tiens ! Est-ce que ma sauvage s’apprivoiserait… Elle agit absolument comme si Gérard ne lui était pas indifférent, au contraire. »

La brave femme fut encore confirmée dans cette opinion lorsqu’elle vit Laure passer dans sa chambre où elle consacra une grande heure à sa toilette ; ce n’était certes pas l’attitude