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jeune, ayant eu même quelques aventures, elle ne concevait guère l’existence d’une femme jeune et jolie sans un compagnon, mari ou amant.

Aussi, jugeant par elle-même, ne comprenait-elle rien à l’obstination de sa nièce.

Lorsqu’elles furent rentrées dans l’appartement de Laure, et comme elle aidait celle-ci à se déshabiller avant qu’elle se mit au lit, elle voulut risquer une nouvelle tentative.

La robe de soirée de la jeune fille gisait sur un canapé, les bas étaient jetés sur une chaise et les derniers voiles étant tombés, Laure apparaissait presque nue, la courbe de ses hanches et les lignes de son corps dessinées par le tissu transparent de la chemise de soie fine.

Tante Adèle sourit :

— Lorsque je te vois ainsi, lui dit-elle, je me pose une question.

— Laquelle ?

— Je me demande s’il est possible que tu n’aies jamais songé à l’amour, s’il est possible que, te sachant belle parmi les plus belles, tu ne te sois jamais interrogée pour savoir si cette beauté ne t’avait pas été donnée précisément pour, tandis que tu es jeune, l’offrir à celui qui, en étreignant ce beau corps, lui ferait goûter les plus grandes joies de la vie…

Laure regardait sa parente, étonnée de ce discours.

Elle abaissa un moment ses beaux yeux sur elle-même, étira ses bras, considéra dans une glace sa poitrine aux seins fermes et elle poussa un grand soupir…

Ce n’était plus la jeune fille qui, ironique habituellement, se moquait des hommes. Ce soupir était, pour une femme experte comme tante Adèle, une révélation, et la parente de Laure devina un mystère que peut-être elle allait entrevoir.

— C’est vrai, dit la jeune fille, je suis belle… Et tu le dis bien cette beauté n’est pas faite pour moi seule. Hélas !… je ne le sais que trop… un jour viendra où un homme la profanera…

— Oh ! que voilà un vilain mot !… La profanation, ce serait, au contraire, faite comme tu l’es, de rester fille.

Un nouveau soupir fit soulever les jolis seins.

— Ne me dis pas cela… Écoute, tu vas savoir tout ce que je pense. C’est vrai ! J’ai cent fois songé à l’amour ! Cent fois j’ai senti mon être entier tressaillir d’un étrange élan vers un inconnu qui m’emporterait dans ses bras et auquel je m’abandonnerais toute.

« Mais nul n’a jamais connu cette faiblesse…