viii
Le lendemain soir, avant minuit, Laure se retrouvait dans l’établissement où elle avait rencontré Noël.
Elle s’assit à une table, seule, et commanda du champagne. « Il faut que je boive, pensait-elle, pour m’étourdir et me donner du courage. »
Elle souriait en pensant qu’elle allait se donner au premier venu et que le lendemain elle irait à l’autel en robe blanche, couronnée de fleurs d’oranger. « Hypocrisie ! murmurait-elle. Tout n’est qu’hypocrisie et mensonge. »
Puis son front se rembrunissait. Elle pensait alors à Gérard qui se marierait le même jour qu’elle et elle soupirait. Soupir de regret, car, au fond d’elle-même, elle était bien obligée de s’avouer qu’elle aimait toujours le premier fiancé qu’elle avait éconduit. « J’étais presque à lui, songeait-elle. » Et elle frissonnait comme le jour où ses lèvres s’étaient unies dans un premier baiser à l’homme qu’elle voulait détester sans y parvenir.
Elle sortit de cette sorte d’engourdissement et jeta les yeux autour d’elle. Des couples étaient attablés, en des poses souvent indécentes. Elle les considérait, en se disant qu’elle serait ainsi tout à l’heure à côté d’un inconnu qui se presserait contre elle.
Provocante, comme elle l’avait vu faire aux femmes à côté d’elle, elle dévisagea des hommes qui passaient. Deux d’entre eux s’arrêtèrent.
— Oh ! la belle enfant ! dit le premier, posant sur son œil un monocle pour la dévisager.
— Allons lui demander lequel de nous deux elle préfère, répondit l’autre.
Elle les avait entendus et les laissait venir. Ils prirent place à sa table.