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Ne m’obligez pas à aller jusqu’au bout de ma pensée que vous devinez bien. J’aime mieux être prise la première fois par n’importe qui, par le premier inconnu que je rencontrerai.

— Vous êtes folle.

— Ne me dites pas cela, vous saviez bien me parler autrement l’autre soir, lorsque vous m’invitiez à souper, Si vous voulez, reprenons l’entretien à ce moment-là…

La jolie Laure baissait les yeux. Sa pudeur, malgré elle, l’emportait et elle rougissait en prononçant ces mots par lesquels elle s’offrait.

Elle était certes bien tentante ainsi. Noël eut un éblouissement. Il la voyait toute frémissante, pleine de sensualité, prête à se donner et il eut — ce ne fut qu’un éclair — l’idée de faire le geste décisif qui ferait tomber dans ses bras cette neige toute brûlante de désir de connaître l’amour.

Mais il se reprit. Il eut assez d’empire sur lui-même pour faire taire ses sens qui lui criaient : « Elle est à toi. Prends-la donc ! »

Et ce fut, au contraire, en affectant le ton le plus déférent qu’il répondit :

— Non. Je ne vous prendrai pas au mot.

Elle le regarda, étonnée, M. Duchemin — Pourquoi ? Ne suis-je donc pas désirable ?

— Plus qu’une femme l’a jamais été ! Mais je ne veux pas profiter d’un moment d’abandon où vous n’avez pas conscience de ce que vous faites.

Elle se leva, furieuse. C’était la colère maintenant qui empourprait ses joues :

— Voilà comment vous êtes ! Lorsque vous m’avez rencontrée dans ce restaurant, vous me désiriez, parce que vous me considériez comme une fille. Et maintenant, vous me respectez. Vous ne comprenez donc pas que c’est votre respect d’aujourd’hui qui est une insulte.

« Eh bien ! Tant pis ! Puisqu’il faut pour qu’un homme me possède sans scrupules que je me mêle à ces femmes, je le ferai. Je vous l’ai dit. N’importe qui, le premier venu, plutôt que mon futur mari.

« Je vous donnais la préférence. Vous jouez l’homme fort. Un autre en profitera. Les hommes, avant de se marier enterrent leur vie de garçon. Je ferai comme eux. Demain soir, la veille de mon mariage, je retournerai là où vous m’avez rencontrée.

« Vous m’y retrouverez si vous y venez. C’est moi qui