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blant du regard des jolis yeux noirs, que voilaient à propos, des longs cils se rabattant avec la paupière sur l’éclat trop vif d’ardentes prunelles. Nul ne pouvait dire qu’il avait fait tressaillir d’émoi, même une minute, cette chair blanche et douce qui semblait appeler les caresses ; nul n’osait se vanter d’avoir perçu le moindre appel au baiser des lèvres ardentes et rouges sur lesquelles il eût voulu poser les siennes.

Laure passait partout, ironique, moqueuse, sans daigner paraître voir la foule d’admirateurs qui se pressaient sur ses pas.

Les plus audacieux avaient fait le siège de la « tante Adèle » dont la cinquantaine était indulgente aux amoureux, et bienveillante aux aspirants à la main de sa nièce.

Mais toujours Laure avait fait répondre par un refus décourageant. Elle avait repoussé les partis les plus sérieux et les fiancés les plus dignes d’elle.

Lorsque « tante Adèle » lui parlait de mariage, elle riait aux éclats.

— Non, disait-elle, non. Je ne me sens pas mûre encore pour la servitude.

Et sa parente s’effrayait elle-même de ce parti pris, que rien ne pouvait vaincre. Elle voyait la jeune fille devenir plus femme ; bientôt elle allait coiffer Sainte-Catherine sans qu’elle parût se soucier de « s’établir », ainsi que disait la brave femme.

Elles revenaient ce soir-là d’un bal mondain, où Laure avait subi l’assaut de vingt soupirants, se disputant l’honneur de danser avec elle pour la sentir un peu contre leur poitrine.

Parmi ces vingt soupirants, la tante Adèle avait un préféré : Gérard d’Herblay. Elle avait pris, à plusieurs reprises, le parti de ce jeune ingénieur, en même temps fin lettré, qu’elle considérait comme le mari rêvé pour la jeune fille. Et, dans la voiture qui les ramenait toutes deux, elle faisait une fois de plus l’éloge de cet amoureux qui s’acharnait à conserver malgré tout un espoir… Elle vantait sa constance, preuve d’un sentiment réel, faisait l’éloge de sa valeur personnelle, prônait même ses avantages physiques.

— Tu perds ton temps, tante Adèle, lui répondait en riant la jolie Laure. M. d’Herblay est peut-être très bien, il possède toutes les qualités, j’en conviens, mais je n’épouserai pas plus lui qu’un autre…

La tante Adèle n’était pas une duègne maussade et revêche. Elle restait une femme aimable et, s’étant mariée