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vi


Les jours coulaient ainsi et l’on approchait de la date où devaient être célébrés les deux mariages.

Albert Duchemin avait scrupuleusement respecté les conventions que lui avait imposées son étrange fiancée, et il avait gardé envers elle une attitude des plus correctes, comme si jamais rien ne s’était passé entre eux.

Mais il était fermement décidé à changer d’attitude.

— Il faudra bien, pensait-il, que cette jolie poulette cède le soir de ses noces. Elle se trompe si elle se figure que, lorsque je serai le mari, je n’exigerai pas de ma femme tout ce à quoi j’ai droit. Les mariages blancs, on voit ça dans les livres, mais dans la réalité c’est une autre paire de manches.

Laure ne se faisait pas d’illusions. Elle se rendait bien compte que son futur époux n’était pas du tout l’homme à tenir sa parole. Et elle voyait venir avec appréhension le jour où il lui faudrait devenir Mme Duchemin.

Cependant, elle était trop fière pour renoncer à cette union.

Elle se mariait par vengeance, pour que Gérard ne crût pas qu’elle le regrettait et aussi parce que lui-même l’avait facilement abandonnée pour s’engager vis-à-vis d’une autre.

Sa tante, maintenant, eût bien voulu, elle aussi, défaire ce mariage, car elle savait que Laure aimait toujours Gérard. Mais elle se heurtait à l’entêtement de la jeune fille qui lui répondait :

— Pourquoi veux-tu m’empêcher de me marier ? Tu devrais être contente, au contraire, toi qui me reprochais toujours de rester fille.

« C’est M. Duchemin qui te déplaît ?

— Ah ! certes, ce n’est pas le mari que j’avais rêvé pour toi. Je suis certaine qu’il te rendra malheureuse. Il n’a même pas eu la pudeur de cesser sa vie de plaisirs depuis qu’il est fiancé. Et il s’affiche partout avec des femmes de mauvaise vie.

— C’est son droit tant qu’il n’est pas marié. Et puis, s’il me plaît à moi. Je suis bien libre. Personne ne me force à devenir sa femme.