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vilaine femme. Tu verras, je serai tout plein gentille, mon petit loup chéri.

Et il s’abîmait avec cette fille, en des étreintes renouvelées, des caresses et des agaceries qu’il lui semblait exiger de l’autre, qu’ainsi il abaissait dans son esprit.

Laure s’identifiait pour lui avec la fille qu’il prenait dans ses bras, avec laquelle il soupait dans les cabinets particuliers des restaurants de nuit.

Lorsqu’il la possédait, rageusement elle lui disait :

— Ça, ce n’est pas de l’amour pour moi ! C’est pour l’autre. Vrai ! Faut-il qu’une femme soit rosse pour lâcher un type qui a un pareil béguin pour elle ! Moi, ça ne m’est jamais arrivé qu’on m’aime comme ça ! Je suis pas une femme pour avoir des grandes passions.

— Tais-toi, lui répondait-il, tais-toi.

Il ne voulait pas qu’elle parlât. Il préférait la posséder dans le silence pour ne pas que fût rompu le charme de l’illusion.

Puis, il se retrouvait en présence de sa fiancée. Et un sentiment nouveau naissait en lui ; il était arrivé à identifier la Laure qui l’avait repoussé avec sa nouvelle amie. Alors, Éliane apparaissait à ses yeux comme la pureté, faisant contraste avec l’autre qu’il avait faite impudique et sensuelle.

Mais, quand même, malgré tout, il n’arrivait pas à préférer sa fiancée ni à arracher de son âme l’amour qu’il aurait voulu tuer.

Pourtant, il le fallait, puisque Laure appartenait maintenant à un autre. Et quel autre ! Ce Duchemin, il l’avait rencontré une ou deux fois dans les boîtes de nuit, s’amusant avec des filles, presque toujours ivre et se plaisant dans la basse orgie. Chaque fois une rancœur lui était venue, chaque fois il avait davantage méprisé celle qui s’était donnée à cet homme indigne d’elle, ou du moins il avait cru la mépriser davantage !