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courtisait tant pour elle-même que pour sa dot, car la fortune que lui reconnaissait la jeune fille n’était depuis longtemps qu’un souvenir et il avait grand besoin de l’argent de sa future femme pour faire figure dans le monde.

Il avait longtemps tourné autour de Laure sans parvenir à obtenir la moindre attention de la jeune fille, et il ne comptait guère que sur un hasard miraculeux pour arriver à son but.

Aussi fut-il agréablement surpris d’apprendre que la belle, jusque-là insensible, consentait à le recevoir.

— Allons ! dit-il, la vie est encore belle ! Une jolie femme que tout le monde m’enviera ! De l’argent ! Me voilà remis en selle.

Et ce fut tout souriant qu’il se présenta chez celle qu’il considérait déjà comme conquise.

Laure s’était promis de jouer avec lui le même jeu qu’avec Gérard. Elle avait fait la même toilette et préparé le même petit discours qui avait exaspéré les sens du fiancé éconduit… Cette fille extraordinaire aimait jouer avec le feu.

Mais, tout de suite, à la vue de l’homme, elle eut peur de lui. Malgré elle, elle se dit qu’avec celui-là, il n’y aurait aucune supplication qui le retiendrait.

Par une étrange contradiction, elle qui avait tant envié, le jour où elle en avait été le témoin, les amours brutales de la servante d’hôtel, elle craignait de devenir la maîtresse de celui que pourtant elle avait fait demander auprès d’elle et auquel elle était décidée à se donner.

Quoi qu’elle fit pour la dissiper, l’image de Gérard s’interposait entre elle et ce Duchemin dont elle n’ignorait rien, dont elle connaissait la vie de joueur et de débauché, dont elle savait aussi le mépris pour toutes les femmes. Peut-être même était-ce à cause de ce mépris qu’elle l’avait choisi.

Il entra le sourire aux lèvres.

Tout de suite, assuré du résultat, il alla au fait et ce fut brutalement qu’il demanda à la jeune fille si elle voulait être sa femme.

Elle ne répondit pas tout d’abord. Les mots qu’elle avait préparés n’arrivaient pas à sortir de sa gorge. Et pourtant, c’étaient les mêmes phrases qu’elle avait jetées quelques jours auparavant à la tête de son premier soupirant.

Mais elle voulait, elle s’était juré à elle-même de n’appartenir qu’à l’homme qui la contraindrait à se donner.

Et, reprenant son empire sur elle-même, elle redevint