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un homme entra dans la chambre où se trouvait la soubrette.

Quel était cet homme ? À son allure, Laure jugea qu’il devait appartenir au personnel de l’hôtel.

Toujours est-il qu’il se mit à plaisanter la jeune femme.

Témoin de cette scène, Laure n’en détachait plus ses yeux. Elle y prenait d’autant plus d’intérêt que, ne percevant pas les paroles échangées entre les deux personnages, leurs gestes devenaient pour elle d’autant plus expressifs.

La servante riait en repoussant des avances que son compagnon précisait de plus en plus.

Et puis Laure vit l’homme embrasser la jeune femme dans le cou, près de la nuque. Il la souleva entre ses bras, elle se débattait en riant, mais lui ne la lâchait pas et devenait plus audacieux.

Frémissante, Laure semblait vivre la scène qui se déroulait devant ses yeux. Il lui parut même percevoir un cri poussé par la femme de chambre.

Elle referma la fenêtre bruyamment et s’alla jeter sur son lit.

— Oh ! dit-elle, celui-là, c’est un homme vraiment. Il n’a pas cédé ! Il n’a pas lâché sa proie au dernier moment ! Voilà comme je veux être prise !

Et elle enviait le sort de la servante. Elle l’enviait au point que, curieuse, elle revint vers la fenêtre.

La femme de chambre était assise sur le lit. La lumière l’éclairait et Laure pouvait distinguer son visage tourné, souriant, vers l’homme auquel elle paraissait dire des mots dont la jeune fille ne comprenait pas le sens.

L’expression seule frappa Laure qui soupira, en disant :

— Elle paraît bien heureuse !

Recouchée maintenant, seule dans son lit, elle se demandait :

— Qui donc saura m’aimer, moi ?

Elle comparait Gérard à l’amoureux qu’elle venait de voir, et elle pensait :

— Pourquoi ne m’a-t-il pas prise, lui, comme l’autre ?

Tout son être aspirait à l’abandon et au don de soi. Laure se révélait sensuelle et elle maudissait son amoureux qui n’avait pas su la comprendre : « Je le hais ! Oh ! comme je le hais ! » disait-elle.

Cependant si, à ce moment, il lui était apparu, s’il était venu dans sa chambre et qu’il ait voulu la prendre, elle n’eût pas fait un geste pour lui résister.

Elle l’attendait presque et s’étonnait qu’il ne répondit pas à son appel.