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adressée à sa nièce, et elle répondit carrément au nom de celle-ci :

« Monsieur,

« Ma nièce me charge de vous retourner votre lettre et de vous prier de ne plus l’importuner.

« D’ailleurs, je peux vous informer à l’avance d’une nouvelle qui sera bientôt officielle : Laure est fiancée depuis ce matin avec un autre plus habile que vous. »

Elle alla porter elle-même la lettre, ce qui lui fournit l’occasion de voir la mère du jeune homme.

Il va sans dire que Mme d’Herblay reçut sans démonstration d’amitié la tante de Laure. Celle-ci cependant affecta de ne pas s’en apercevoir. Au contraire, elle déclara :

— Nous aurions tort de nous fâcher à cause de ces enfants. Après tout, je comprends fort bien que vous ayez peur de marier votre fils avec ma nièce qui me paraît un peu exaltée.

« Pour tout arranger, je vais lui chercher un autre mari. Quant à Gérard, je suis persuadée que vous n’aurez pas de peine à trouver pour lui une fiancée moins romanesque qui lui fera oublier cette aventure.

« Le mieux serait que nous puissions annoncer le plus tôt possible ces doubles fiançailles.

Mme d’Herblay trouva ce raisonnement fort judicieux et elle entra pleinement dans les vues de la tante Adèle qui, au fond, avait son plan.

Ce même soir, Laure refusa d’elle-même de sortir ; elle prétexta une migraine pour s’enfermer dans sa chambre et n’en pas sortir.

Pourquoi, ne trouvant pas le sommeil, se mit-elle à sa fenêtre ? Peut-être parce que la nuit fraîche et le ciel étoilé l’encourageait à rêver.

Or, en face d’elle, de l’autre côté de la rue, une fenêtre était éclairée, fenêtre d’une chambre dans un Palace hôtel qui se trouvait juste vis à vis de sa demeure.

Elle suivait distraitement les allées et venues d’une femme de chambre qui allait et venait dans la pièce. Elle distinguait son bonnet et son tablier blancs ; même elle pouvait voir les traits malicieux, les yeux pétillants de cette fille accorte, brune et provocante.

Elle la considérait en se disant : « Celle-là aussi peut-être pense à l’amour. Comment peut être l’homme qui le personnifie à ses yeux ? »

Comme si la réponse devait lui être faite immédiatement