Page:Edmond Mandey Coeurs en folie, 1924.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 45 —

copieux, le vin excellent, la fine de premier choix, le reste ne le cédait en rien et les moments que je passai — en votre lieu et place — avec la charmante Adèle, furent des moments des plus agréables, que malheureusement vinrent interrompre fort mal à propos vos coups frappés à la porte…

Ce n’était point là un discours fait pour consoler l’hôtelier. Bien au contraire, les paroles du notaire augmentaient encore la rage intérieure de maître Honoré, qui eût volontiers frappé celui qui semblait ainsi railler son infortune, mais il se contint, se promettant d’ajouter un supplément à la note du voyageur.

Il se contint et eut même le courage de répondre, en faisant une grimace qui voulait être un sourire :

— Dans l’hôtel des Gais Lurons, le client doit toujours être content… Si ma servante ne vous avait pas satisfait, je l’aurais dès demain matin, remplacée…

— Gardez-vous-en bien surtout… Gardez-vous-en bien… Je tiens à la retrouver chaque fois quue je viendrai chez vous. Elle fait partie à présent de mon menu.

Trouvant le mot spirituel sans doute, Me Robert s’esclaffa.

Enfin, il jugea avoir laissé suffisamment passer de temps pour que les deux femmes aient pu à loisir regagner chacune leur chambre habituelle.

— Il serait peut-être temps, dit-il, d’aller dormir. Il faut être dispos pour quand le jour paraîtra et nous avons, il me semble, bien écorné notre nuit…

« Moi, du moins. Car je ne pense pas que vous, vous êtes resté tout ce temps dans la salle… Vous vous êtes sans doute, par avance, consolé avec votre épouse !…

L’hôtelier arrêta son client :

— Chut ! fit-il un doigt sur les lèvres. Chut ! Ma femme dort depuis hier soir très profondément… Ne la réveillez pas !…

— Je m’en garderai bien…

— Je vais vous accompagner jusqu’à votre chambre…

— Vous voulez vous assurer que je ne vais pas retrouver Adèle ?

— Ce n’est pas pour cela !… Vous êtes libre…

— Je suis libre, cela est bien certain. Mais je préfère aller me reposer. Voyez comme je suis conciliant… à présent je vous laisse la place que je défendais si fort tout à l’heure ! Il fallait bien devant elle…