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Elle osa cependant dire tout bas, dans un souffle, espérant que celui qu’elle prenait pour maître Honoré renoncerait à ses caresses :

— Oh ! J’ai sommeil… J’ai sommeil !

Mais, tout bas aussi, lui répondant de même façon, l’homme dit à son tour :

— Je t’aime !…

Cette fois, Adèle comprit que sa vertu était en grand péril et elle voulu échapper aux bras qui déjà, l’enlaçaient et aux lèvres qui s’approchaient des siennes.

Mais il était trop tard.

Elle ne put que pousser un cri de protestation, et dut se résoudre à accepter le témoignage ardent d’une tendresse passionnée que le galant notaire croyait donner à Mme Jeanne elle-même.

La petite servante jouait de malchance. Elle qui croyait avoir si bien préservé son honnêteté contre les entreprises de son maître, voilà que celui-ci venait la retrouver et la prendre précisément là où elle s’était réfugiée pour lui échapper.

Le notaire cependant ne contenait pas sa fougue. Son ardeur était sans bornes, et il goûtait, en outre, la saveur du fruit défendu… Dans ses transports, il s’oubliait, et appelait la malheureuse Adèle « sa Jeanne chérie », ce qui fortifiait la servante dans l’idée qu’elle avait affaire à son patron. Elle ne pouvait soupçonner, en effet, que maître Honoré eût un rival.

Me Robert avait donc réussi au-delà de ses espérances, et il s’attardait à caresser encore dans la nuit le corps de la jeune femme, lorsque celle-ci se mit à pleurer.

Cette crise de larmes l’étonna. Elle survenait précisément au moment où il allait faire de la lumière et se jeter à genoux, sur la descente de lit, pour demander pardon à Jeanne de sa conduite, certain d’ailleurs d’être pardonné lorsqu’il apprendrait à la jeune femme l’indignité de son époux…

Il dit doucement :

— Pourquoi pleures-tu, ma Jeannette ?

Et il entendit cette réponse inattendue :

— Je pleure parce que je ne suis pas Jeanne ! Je suis Adèle !

Cette révélation soudaine causa au pauvre notaire une stupéfaction considérable. Il ne comprenait rien à ce qui lui arrivait et se demandait comment il avait pu confondre ainsi la belle hôtelière avec sa servante.