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elle se serait tout de suite jetée dans ses bras, en lui disant : « Me voilà, prenez-moi, je suis votre maîtresse ! »

Mais c’était l’heure du dîner. Alors, elle ne pouvait pas. Seulement, le traître ne perdrait rien pour attendre. Ce serait pour la soirée, oui, le soir même, et il aurait bonne mesure…

Mme Jeanne se disait tout cela. Ses pensées se pressaient, se heurtaient tumultueuses dans son cerveau. Elle contenait avec peine sa rage et son indignation.

Et puis, elle se calma, se mit à réfléchir.

Elle regarda Adèle qui restait là, devant elle, respectant son courroux, attendant elle ne savait pas quoi, mais attendant quand même, que sa patronne lui parlât de nouveau, et lui dit ce qu’elle avait à faire, car enfin le soir même, maître Honoré allait venir la retrouver dans sa chambre.

Comme Mme Jeanne ne lui disait rien, se contentant de marcher fébrilement et de laisser échapper de temps en temps des mots qui témoignaient de son agitation intérieure, la servante se risqua à demander timidement :

— Alors, Madame ?

— Alors, quoi ?

— Eh bien !… Cette nuit… Monsieur m’a dit qu’il viendrait, sur le coup de minuit, que je laisse ma porte ouverte…

C’était vrai. Dans son exaspération, l’hôtelière avait oublié ce détail, lequel pourtant avait son importance… Elle s’arrêta et se prit à réfléchir… Sans doute, elle devait se venger mais tandis qu’elle serait avec le notaire, que ferait son mari avec la servante ? Si celle-ci, à la fin ne pouvait résister, son infortune conjugale serait consommée ! Tromper son mari, c’était bien, c’était juste, c’était mérité, il le fallait elle y était résolue… mais elle ne voulait pas qu’il la trompât… C’était déjà suffisant qu’il en ait eu l’intention ; elle ne devait pas lui permettre de mettre à exécution cette intention criminelle… Que faire pour l’en empêcher ?… Que faire ?

Soudain, une idée lui vint… une idée comme il en peut venir à une femme… Et, malgré la situation dans laquelle elle se trouvait, malgré sa fureur jalouse, elle se mit à rire et à dire tout haut :

— Oui, c’est cela ! C’est cela ! Ce sera drôle ! Et il sera bien attrapé.

Adèle crut encore devoir parler.