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que de prévenir sa maîtresse et de lui raconter tout ce qui s’était passé, pendant son absence, entre elle et le patron…

Elle n’était pas très rassurée, et elle avait bien peur, ce faisant, d’échapper à un danger pour tomber dans un autre. Car, peut-être Mme Jeanne allait-elle la soupçonner d’avoir fait la coquette, et d’avoir provoqué les propos galants de son mari, peut-être, furieuse, allait-elle la congédier.

Aussi son cœur battait-il bien fort en se dirigeant vers la chambre où sa maîtresse s’était retirée pour troquer sa toilette de ville contre la robe qu’elle portait ordinairement dans sa maison.

L’hôtelière tenait Adèle en grande estime ; elle la savait sage, et elle jugeait que c’était là une grande qualité, à laquelle d’ailleurs la servante en joignait beaucoup d’autres, dont la moindre n’était pas d’être très dévouée à sa maîtresse.

Elle vit bien tout de suite à l’air de sa servante que celle-ci avait une confidence extraordinaire à lui faire et qu’il se passait dans cette maison habituellement si paisible quelque évènement anormal.

Même par le ciel le plus clair, les gens nerveux sentent venir l’orage. Et Mme Jeanne, sans être plus nerveuse qu’il le fallait, eut tout de suite l’intuition qu’un orage grondait. Elle n’eût pu dire quel était cet orage, mais, rien qu’en voyant la mine d’Adèle, une forte émotion s’empara d’elle et une soudaine inquiétude l’envahit, tant que ce fut elle-même qui prononça les premières paroles et demanda d’une voix qui décelai son émoi :

— Qu’y a-t-il donc ? Adèle… Tu parais toute chavirée.

— Chavirée, c’est cela, vous l’avez dit, Madame Jeanne… Je suis toute chavirée. Et il y a de quoi, allez !…

— Il t’arrive quelque chose de grave ?

— Il nous arrive, Madame, à vous et à moi.

— À moi aussi ?… Vite, explique-toi… tu m’inquiètes !

— Vous avez lieu d’être inquiète… Je suis certaine que vous n’auriez jamais cru cela… ni moi non plus, d’ailleurs.

— Mais raconde donc, raconte, je suis sur des charbons.

— Vous le saurez bien assez tôt ! Mais avant il faut me promettre que vous ne m’en voudrez pas, que vous me croirez car je vous jure que c’est la vérité pure, la vérité vrai de vrai, et surtout vous me défendrez si maître Honoré veut me chasser.

— Mon Dieu ! Mon Dieu ! Qu’est-ce donc ?… Je te pro-