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La mappemonde aussi présente une configuration nouvelle. Le glissement des masses continentales, un peu ralenti d’abord par le durcissement des océans, s’est trouvé enfin arrêté par la soudure universelle. L’Europe est gelée, et l’Asie, et l’Afrique presque entière, aussi bien que l’Océanie ; des trois Amériques, il ne reste plus qu’une bande équatoriale. Les deux régions polaires se sont graduellement élargies en progressant l’une vers l’autre : ces énormes calottes de gel qui tendent à se rejoindre ont pétrifié tout et resserré la vie sur le ruban de l’Équateur. Chez les hommes qui habitent là, on raconte que d’héroïques explorateurs, jadis, s’étaient aventurés parmi les glaces hyperboréennes de l’Espagne et de l’Algérie, n’avaient su reconnaître, sous les banquises immobilisées, ce qui fut continent, ce qui fut océan. La douce Méditerranée, avec ses vagues couvertes de givre, reste figée dans un froid dont les hivers du Groënland ou du Spitzberg ne nous donnent à présent qu’une idée approximative. Les restes de la vie terrestre, étranglée entre les deux tropiques, se sont réfugiés en un double asile : l’un se cache dans la région des Guyanes et des Guinées : l’autre, de création plus récente, est formé par les alluvions qui, cinq mille ans plus tôt, ont réussi à unifier les Antilles ; cette