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l’égoïsme féroce qui caractérise l’espèce humaine dans ses rapports avec tout ce qui l’entoure s’exerçait encore, cette fois-là, selon sa mode accoutumée. La devise des derniers peuples restait : « Tout pour moi. » Les égoïsmes similaires continuaient à fonctionner avec une sérénité intégrale : sérénité, qui cependant n’était point la sécurité, car il peut toujours advenir qu’un conflit s’élève entre deux appétits qui convoitent le même objet, surtout quand cet objet répond à un besoin vital.

En dépit de cette persistance de nos instincts jaloux, nous aurions tort d’imaginer que ces derniers représentants de l’espèce humaine fussent encore tels que nous sommes. Physiquement, intellectuellement, moralement, ils différaient de nous bien plus que nous ne différons nous-mêmes des hommes préhistoriques. La raison en est double : d’abord, ils s’éloignaient de nous par une durée bien plus longue que n’est actuellement la période écoulée depuis l’âge de la Pierre Éclatée ; ensuite, les conditions de la vie matérielle avaient changé infiniment plus qu’elles n’ont fait depuis la fin du Tertiaire jusqu’aux jours actuels. Le temps, le climat, toutes les urgences avaient modifié autour de ces êtres les conditions de l’existence et, partant, leurs besoins, leurs goûts et leur pensée. Simultanément, la transformation graduelle des fonctions organiques avait eu pour résul-