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Mouvement sensationnel. Le professeur adresse à voix basse quelques mots à son aide, qui se retire. Mouvement prolongé de l’auditoire.

Auparavant… (Mouvement divers. Murmures.) Messieurs, je conçois votre légitime impatience, et elle me flatte, comme une preuve du puissant intérêt que vous voulez bien attacher à ma découverte ; mais cette présentation de l’Homme ne saurait vous être utilement faite, si elle n’était précédée d’un examen du squelette d’animaux similaires, examen qui nous permettra de juger le degré d’avancement auquel cette race avait su parvenir. Je passerai sur ce point aussi rapidement que possible, quitte à y revenir dans une leçon ultérieure.

Le professeur retire d’un coffre, et dispose devant lui, diverses pièces d’un squelette humain.

Messieurs, je vous le disais, le Gorilloïde, auquel nous avons donné le nom d’Homme, n’était pas une brute inconsciente : les dimensions de son crâne le prouvent, non moins que les proportions de son angle facial ; la denture analogue à la nôtre, atteste un omnivore ; ce mammifère se tenait, comme nous, dans la position verticale, n’utilisant, pour la marche, que les membres postérieurs : il était bimane ! (Sensation.) Enfin, la présence de certaines apophyses osseuses, dont je ne vous imposerai pas l’étude détaillée, prouve indéniablement l’atrophie progressive d’organes autrefois possédés par les premiers types de l’espèce, et que fit disparaître peu à peu l’affinement de la race. Nous nous trouvons donc, à n’en pas douter, en présence d’une espèce perfectionnée, civilisée, voire dégénérée, qui occupa avant la nôtre des continents antérieurs au nôtre, d’une espèce supérieure, comme la nôtre, susceptible peut-être de notions abstraites, et peut-être ayant eu, comme nous, des arts et des sciences ! J’aurai tout dit sur ce point, messieurs, quand j’aurai ajouté à ces remarques sommaires, l’assertion d’un fait, d’un seul, qui, sans nul doute, vous semblera gros de déductions possibles : ces ossements n’ont pas été recueillis à cru dans le sol de l’époque quintaire, ainsi que ceux des autres animaux retrouvés par nous : ils étaient enfermés dans des tombeaux de pierre taillée. L’Homme inhumait ses morts ! (Sensation prolongée.)