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sorte : les régions humides ou sèches, froides ou chaudes, élevées ou basses, ont leur flore et leur faune particulières ; il en est de même pour les continents et les îles : ceux-ci et celles-là ont leurs espèces propres et les eurent toujours : les grands herbivores répondaient aux grands pâturages ; les animaux rapides, tels que le cerf, le renne ou le cheval supposaient les longues étendues sans lesquelles ils n’eussent pu vivre et se développer normalement, et, dirons-nous aussi, sans lesquelles ils n’eussent pu naître ; l’oiseau prouve la distance, comme le poisson prouve l’eau. Si donc nous rencontrons, sur des points insulaires, les fossiles d’espèces que j’appellerai continentales, nous pouvons affirmer sans hésitation que ces îles ont fait partie intégrante d’un continent, dont elles furent séparées par quelque cataclysme.

Tel est précisément le cas des îles Alpiennes que nous venons d’explorer : nos collections de fossiles, recueillies parmi ces roches de la région boréale, attestent l’existence, en ces lieux désolés, d’un continent qui fut prospère. Vous pourrez, à loisir, examiner ces types d’ossements fossilisés qui seront ultérieurement classés au Muséum. Mais d’ores et déjà, et plus que tout, l’étrange simien que vous contemplerez tout à l’heure, dernier survivant d’un monde, vous apparaîtra et ne peut manquer de vous apparaître comme le témoin d’un continent perdu, et peut-être d’un état de culture qui semble avoir été assez avancé, non seulement dans l’ordre physique, mais aussi dans l’ordre intellectuel.