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Est-il bien sûr que les plus hauts soient aussi les plus grands, et que nous sachions mesurer notre œuvre à sa juste mesure ? Dans les âges où l’Homme s’infatuait de sa puissance, bâtissant des cités et des mots qui ont disparu avec lui, le modeste corail bâtissait un monde et des empires, qui ont triomphé de la mer et sur qui nous vivons !

Bravo ! Bravo !

Pourquoi nous irriter, messieurs ? Voyons plus large autour de nous ! Tout se meut et travaille, dans la nature fraternelle ! Rien ne stationne, et le progrès est incessant pour tous. Car le progrès n’est pas, comme d’aucuns le pensent, l’apanage exclusif des créatures intelligentes ; il s’applique à tout ce qui vit, aux plantes, aux bêtes, aux astres, aux idées ; il est la fonction même de la vie ; il est la vie en marche, et voilà pourquoi rien ne le retarde ni ne l’arrête : il va et doit aller ; il est irréductible et nécessaire, incessant et d’ordre divin, comme les grandes lois de la gravitation universelle, dont il procède et résulte, messieurs, et qu’il continue en nous, autour de nous, et partout à la fois ! C’est lui qui traça la filière des groupes et des êtres, et nous pouvons la remonter, en suivant avec lui, à travers les âges, à travers les espèces, cette courbe d’infrangibles liens, par lesquels il rattache l’infiniment petit à l’infiniment grand ! S’il vous plaît de comprendre le divin labeur du Progrès, suivez-la, cette courbe, et vous verrez comment il a pris la matière pour en tirer peu à peu la vie aux innombrables formes, qu’il diversifie et ramifie, qu’il spécialise et qu’il précise, qu’il extrait les unes des autres mais sans les détacher jamais, et par la chaîne des filiations évidentes il vous conduira sans à-coup jusqu’à la conception de l’origine commune et de la famille unique.

Mouvement.