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Je plaisante, messieurs. Mais si l’Homme a pu contester jadis la fraternité des deux races, et nous renier parce qu’il doutait de notre perfectibilité, nous ne saurions à notre tour raisonner de même sorte, puisque sa puissance intellectuelle se présente à nous comme un fait accompli. Moins que lui, nous avons le droit de nier des similitudes évidentes, et plus qu’à lui, la nécessité s’impose à nous de confesser que des caractéristiques communes engendrent des possibilités communes. Parmi les myriades d’espèces qui vivent ou vécurent, nulle n’est plus voisine de la nôtre. Le temps seul nous a séparés. Comme nous, il a parcouru les étapes de son évolution normale, parallèlement à nous, mais antérieurement à nous. Il a monté plus vite, il est redescendu plus tôt.

Son ascension, messieurs, nous la connaissons aujourd’hui : cette branche des Simiens, issus eux-mêmes des Prosimiens, qui étaient nés des Marsupiaux, remonte lentement, par les Promammifères, jusqu’aux Dipneusties, jusqu’aux Gastréades, et le Mollusque inférieur la rattache aux Zoophytes, aux Algues, au Protoplasma originel. Sans doute, messieurs, l’Homme a protesté, en son temps, contre une origine si humble, et n’a pas voulu admettre qu’elle était aussi la plus noble, puisque la bassesse de l’extraction procure la montée laborieuse, et qu’elle honore celui qui monte. Qu’il n’ait pas consenti plus que nous à reconnaître cette vérité, cela encore est probable. L’orgueil de cette race si avancée dut être égal au nôtre, sinon plus fol encore, et nous pouvons prêter toutes les outrecuidances aux êtres dont le crâne avait su acquérir la forme que voici !

Il prend à deux mains l’énorme crâne et le tend vers la foule.

Qui d’entre nous dira les rêves éclos là-dedans ? Peut-être l’Homme s’est tenu, comme nous, pour une créature angélique, supra-terrestre, et qui n’avait rien de commun avec le reste de la vie !