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— Ah ! dit un voyageur qui s’était incliné vers le hublot du parquet, voilà que nous quittons le continent. La machine va pouvoir se lancer.

Il disait vrai : l’air musical accélérait son rythme.

— C’est long, tout de même : il y a bien du progrès à souhaiter en matière de locomotion.

— Songer qu’à notre époque on met encore douze heures pour atteindre les antipodes.

— Dix heures !

— Vous êtes bon ! Vous vous arrêtez à Tahiti, vous ; mais je vais, moi, jusqu’à Viti.

— Bah ! dit un homme spirituel, de quoi vous plaignez-vous ? Vous êtes parti au coucher du soleil et vous rentrerez chez vous avant le crépuscule.

— Amusant, dit une jeune fille, de voir ce pauvre astre rougeaud qui ne réussit pas non plus à se coucher.

— Il fait chaud : cela vous incommoderait-il qu’on rafraîchît un peu ?

— Nullement.

Le compteur fut ouvert d’un cran : à l’avant de chaque wagon, un réservoir d’air liquide, à 180° au-dessous de zéro, débitait, entre deux parois de stallium, la quotité réfrigérante qui se proportionnait automatiquement aux variation de la vitesse et protégeait ainsi le matériel contre les surchauffes produites par le frottement de l’air extérieur. Également, les voyageurs pouvaient à leur gré abaisser la température intérieure des chambres, et l’évacuation de l’air chaud s’effectuait par un simple robinet, qu’il suffisait d’ouvrir comme nous ouvrons une fenêtre.